Il flirtait à cette époque avec le FPR, contre les éléments qu' un bon
nombre de rwandais qualifiaient de rétrogrades, éléments qui
Twagiramungu : LE test pour Kagame
Une excellente analyse de notre compatriote.
Le retour de Faustin Twagiramungu au Rwanda, après 7 ans d'exil en
Belgique,
constituera un véritable test quant aux vraies intentions du FPR de
vouloir ou non ouvrir l'espace politique rwandais à d'autres acteurs.
Twagiramungu Faustin, qui tomba en disgrâce, avec d'autres, en 1995,
après
avoir osé mettre en garde, publiquement, les plus hautes autorités
rwandaises chargées de la sécurité, sur les massacres que d'aucuns
imputaient aux éléments de l'armée, a connu un parcours politique qu'il
sera
difficile de qualifier de "divisionniste sur le plan ethnique".
Après avoir engagé un bras de fer avec les "fondateurs du MRND", il
réussit
un forcing qui inscrivit son nom dans les textes des accords d'Arusha,
comme
premier ministre de la période de transition.
Il flirtait à cette époque avec le FPR, contre les éléments qu' un bon
nombre de rwandais qualifiaient de rétrogrades, éléments qui refusaient
un
vrai partage du pouvoir.
A la fin, dans la mouvance de la naissance-proclamation du sinistre
concept
de "hutu power", Twagiramungu se battait seul contre tous, minorisé
dans son
parti à la grande joie du MRND-CDR.
La division du MDR, comme l'entêtement du FPR à ne pas considérer que
ses
sympathisans sont comme pris en otage par le MRND-CDR, ces deux
éléments
sont parmi ceux qui ont rendu possible la tragédie rwandaise, de la
manière
dont elle a été exécutée.
Twagiramungu n'a pas su maintenir la cohésion de son parti. Il sut
montrer
qu'il était bon manoeuvrier et réussit à maintenir la tête hors de
l'eau,
arrivant même à échapper à la garde présidentielle de Habyarimana lors
des
massacres des opposants politiques hutu, massacres qui furent suivis du
génocide des tutsi par des éléments hutu.
D'aucuns s'étaient mis à rêver, croyant au miracle de voir des fils de
tutsi
chassés dans les années 1960 pour la plupart, travailler, main dans
la
main, avec des fils des hutus qui les avaient chassés.
Il était permis d'y voir une profonde maturité de la part de ces
nouveaux
acteurs politiques rwandais.
La suite montra toutefois qu'il ne s'agissait que de manoeuvres
politiciennes d'un calcul mesquin que chaque camp comptait utiliser
pour
asseoir un pouvoir sans partage.
D'abord parce que lors des massacres de tutsi par des éléments
qualifiés
d'extrémistes hutus, bon nombre d'éléments hutus que l'on avait cru
sensibles à la construction d'une nouvelle société "inclusive", pour
reprendre un terme à la mode, soit prirent part aux massacres de tutsi,
soit
manifestèrent une indifférence coupable devant cette tragédie.
Pour sa part, après juillet 94, cherchant à asseoir un pouvoir quasi
absolu,
le FPR manifesta un comportement qui n'était pas de nature à valoriser
les
rares hutus qui avaient fait montre d'un courage admirable pour sauver
les
tutsi, au contraire il adopta une attitude muselant et les rescapés
tutsi et
les bons citoyens parmi les hutus qui voulaient travailler avec lui.
L'exode actuel de personnalités politiques hutu , cooptées par le FPR,
parait comme une illustration de ce mariage-servage raté.
La radiation du MDR, parti politique qui aurait pu l'être en même temps
que
le MRND-CDR en 1994,
-tellement le doute était permis quant à son abandon de l'idéologie
"ethnisante" hutu-, mis à part quelques éléments comme on peut le
penser de
Faustin Twagiramungu et quelques autres, constitue certes une
maladresse
politique du FPR, qui n'a pas donné lui même des garanties suffisantes
de ne
pas vouloir construire sa politique sur une idéologie de suprématie
tutsi.
Le FPR, cherchant à occuper seul l'espace politique rwandais tombe dans
les
mêmes travers que les régimes rwandais antérieurs.
Les erreurs que nous avons observées sous les régimes monarchique, du
MDR,
puis du MRND, se reproduisent sous nos yeux avec le FPR.
Manifestement, comme cela a été dit," la seule leçon que nous pouvons
tirer
de l'histoire est qu'elle ne nous laisse pas de leçon."
Si le FPR en arrive à devoir barrer la route, en recourant à
l'intimidation,
à des personnalités politiques comme Faustin Twagiramungu, il aura fait
preuve de sa volonté de mettre en place un pouvoir sans partage au
Rwanda.
Ce serait, à mon sens, une insulte à tous ceux qui ont cru en son appel
et dont beaucoup ont perdu leur vie pour cela. Le Rwanda aurait
pu se passer de tant de sacrifices si c'est pour rééditer un régime qui
conduit le pays vers une nouvelle impasse.
Paul Bitsibo (c'est bien un pseudonyme, cette personne que nous ne connaissons pas - encore - vivrait en dehors du Rwanda)
Rwanda-l (groupe de discussion sur yahoogroups.com),
le 21 juin 2003