Twagiramungu est rentré le 20 juin. Le 4 juillet il était déjà de retour
en Europe pour un bref séjour. Aujourd'hui, le 8 juillet il « redescend ».
Ce sera sans doute plus facile cette fois-ci, aussi bien pour lui que
pour ceux qui « l'attendent ».
Comme me le faisait remarquer avec insistance un ami de Kigali « nous
ne lui avons rien fait ». Un membre de ma famille s'étonnait même que
« mon ami » ait pu ressortir du Rwanda : il s'imaginait qu'il se trouvait
quelque part « dans un trou plus petit que lui ».
Twagiramungu et son rival Kagame ont marqué un but de la tête,
comme on dit chez nous d'un bon coup. Certains pensent toujours
qu'ils sont de mèche, je penche quant à moi plus pour une
convergence d'intérêt entre les deux.
En rentrant Twagiramungu est sorti de l'opposition virtuelle de l'exil. Il
se démarque complètement de la flopée de parti(cule)s
d'exilés/émigrés rwandais qui foisonnent sur l'Internet. Même si lui-
même n'a plus de parti, il est sur place, parmi les siens.
Kagame quant à lui, et bien, malgré ses discours « blessants et
broyants » il n'a pas (encore) touché à un... poil de Twagiramungu.
Celui-ci s'est juste plaint de ne pas avoir eu droit aux égards dus à
son statut d'ancien chef du gouvernement : un douanier zélé à la
recherche de divisionnisme ? - a longuement passé en revue les sous-
vêtements de son Excellence !
Dans l'ensemble, tous deux bénéficient également de leur nouvelle
coexistence (pacifique ?) à Kigali. Le seul désagrément est que chacun
doit supporter la présence encombrante de l'autre. Twagiramungu doit
s'accommoder de l'omniprésent et omnipotent appareil sécuritaire de
Kagame : certaines connaissances de l'ancien Premier l'auraient prié de
ne pas leur adresser la parole, d'autres changent de trottoir ou
détournent la tête lorsqu'il se trouvent en sa présence. L'intéressé
explique cette attitude par la peur et l'intimidation qui emprisonnent
les coeurs.
Le général Kagame doit lui augmenter son seuil de tolérance vis-à-vis
du verbe corrosif et de haute précision de Twagiramungu.
En se supportant, ils ont tous deux tout à gagner. Dans le cas
contraire, Twagiramungu ne perdrait « que » sa vie tandis que Kagame
perdrait beaucoup plus - surtout moralement - en s'attaquant à un
homme désarmé qui ne dispose finalement que de son énergie, son
intelligence, son humour, ses nombreux amis, connaissances et
contacts.
Placide Muhigana
8 juillet 2003